A Saint-Denis, un parcours pour accompagner les jeunes qui créent leur emploi (Le Monde, 24/03/09)

A Saint-Denis, un parcours pour accompagner les jeunes qui créent leur emploi
LE MONDE ECONOMIE | 23.03.09 | 18h30

ls sont jeunes, intérimaires ou au chômage, confrontés à des problèmes de logement ou de surendettement. Filles autant que garçons. Un sur dix a un bac +5, beaucoup un CAP ou un BEP. Ils ont du savoir-faire, des idées, de l'énergie à revendre, et la même ambition : créer leur propre emploi.

 

Ouvrir un salon de thé culturel, une boutique de fleurs, devenir livreur, aménager des stands sur les Salons, vendre des vêtements dégriffés, photographier des événements sportifs, vendre par Internet des mèches et des perruques pour les beautés afro-antillaises ou louer des sacs à main de luxe... : voilà les rêves de Claudia, Vivien, Guilllaume, Marion, Mamadou, Alan, Elvis ou Sally.

Ce sont quelques-uns des quinze stagiaires de la nouvelle promotion de CréaJeunes de Saint-Denis, un parcours organisé par l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie), avec le soutien d'une quinzaine de partenaires publics et privés. Suivre une formation de deux mois, être accompagné pendant dix-huit mois, accéder à un financement (microcrédit jusqu'à 5 500 euros, prêt d'honneur, prime de 1 000 euros, etc.) et démarrer : voilà le programme auquel on s'affaire à l'Espace d'entreprises Bel-Air, au quartier des Francs-Moisins.

Répliquée depuis à Toulouse, Bordeaux, Marseille, Lille et Lyon, l'expérience de Saint-Denis a démarré en octobre 2007 et accueilli 120 stagiaires. Un quart ont déjà créé leur entreprise. Huit ont été récompensés par le prix Défis Jeunes, comme Franck Lahoui, 22 ans, avec les félicitations du jury. Il va recevoir 5 000 euros, plus 2 000 euros du Crédit agricole - ce qui règle pour l'instant la question de son financement. Réalisateur de films dans les quartiers, avec le soutien d'associations et structures municipales, il va pouvoir lancer son activité de communication : la création de CV vidéos et de présentation d'entreprises (www.flcommunications.fr).

Mercredi 18 mars, Franck est venu soutenir ses successeurs, parmi lesquels Tarek Jaaidane, 26 ans, titulaire d'un bac électrotechnique, qui a travaillé dans le bâtiment et veut créer une entreprise de nettoyage à sec de voitures. Tarek a pu contacter plusieurs dizaines de parkings Vinci qui ne proposent pas encore de service de lavage : "On a tous les supports ici pour faire une étude de marché, pour voir si le projet est viable et permet de créer son emploi. On est exposé au miroir de la réalité."

"Les jeunes restent acteurs de leur démarche", explique Safia Tami, 32 ans, responsable du projet depuis l'origine. " Toute l'énergie, l'envie et la volonté, c'est eux. Vu les problèmes sociaux auxquels ils sont confrontés, ils forcent le respect." Beaucoup souhaitent ouvrir une boutique ou un commerce, mais les baux commerciaux coûtent très cher. Il faut donc les aider à réorienter leur projet. "Je suis super impressionnée par leur motivation, leur capacité à apprendre et à évoluer. C'est formidable, le parcours qu'ils font en deux mois et par la suite", dit Muriel Fontugne, chargée de la coordination de la formation, une ancienne cadre dirigeante qui exerce bénévolement, comme tous les tuteurs-formateurs.

Mais le parcours de huit semaines n'a pas le statut de formation professionnelle, et provoque parfois la suspension des Assedic... Claude Morel, préfet délégué pour l'égalité des chances en Seine-Saint-Denis, envisage donc que les stagiaires puissent bénéficier de contrats d'autonomie, avec une indemnité de 300 euros par mois : "Il faut qu'ils puissent se concentrer totalement sur leur projet ; beaucoup lâchent parce qu'ils ont besoin d'argent et qu'on leur propose une mission d'intérim."

Safia Tami fait pourtant ce voeu : " Au lieu de surmédiatiser quelques cas dits exceptionnels, j'espère qu'on va vers une banalisation de la réussite dans les banlieues."


Adrien de Tricornot

Pour en savoir plus

Vers un nouveau capitalisme, par Muhammad Yunus, (2008, éd. JC Lattès, 280 p., 18 €).

Et les clients pauvres ? Quand les entreprises s'engagent, par Henri de Reboul et Olivia Verger-Lisicki (2008, éd. Autrement, 188 p., 20 €).

On ne prête (pas) qu'aux riches, par Maria Nowak (2005, éd. JC Lattès, 270 pages, 16 €).

4 milliards de nouveaux consommateurs : vaincre la pauvreté grâce au profit, par C. K. Prahalad (2004, éd. Village mondial, 380 p., 30 €).

www.creajeunes.org Site de la création d'entreprise et du microcrédit dans les quartiers.

www.ashoka.asso.fr Site du réseau mondial d'entreprises sociales Ashoka.



Article paru dans l'édition du 24.03.09

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